« On dit qu’il existe à Beyrouth un génie qui est l’esprit même de la ville… On dit aussi qu’on ne peut avoir sa peau qu’en détruisant la ville – mais ça, ce n’est pas prouvé… » Dans les années 1970 à Beyrouth, la rue Rizkallah est une mosaïque des différentes communautés du Liban, et ses habitants vivaient dans une relative concorde avant que la guerre ne vienne bouleverser ce fragile équilibre… Témoignage fictionné et sensible de cette lente catastrophe, « Le Génie de Beyrouth » déploiera jusqu’à nos jours et sur trois tomes son récit choral porté par la verve grave et légère de l’écrivain et journaliste Sélim Nassib (né à Beyrouth en 1946, il vit en France depuis les années 70 et travaille pour différents journaux européens, Libération, Le Monde diplomatique, El Pais, Tageszeitung…, couvrant en particulier la guerre du Liban), et le dessin aérien et lumineux de Léna Merhej.
Un épicier sunnite, un teinturier repasseur chiite, un coiffeur arménien qui vend aussi des cigarettes, et un couple d’épiciers maronites… Ajoutez-y, entre tous les petits artisans, une famille juive de Syrie, des Russes blancs fabricants de parpaings, et les filles du Princess Hotel,grecques, turques ou égyptiennes, qui passent en tenue légère rejoindre les cabarets du front de mer… Tous ces gens vivent côte à côte dans la rue Rizkallah, dont le nom signifie « à la fortune de Dieu » et qui pourrait symboliser à elle seule le génie de Beyrouth, qui « fait tenir ensemble ce qui en principe ne devrait pas ». Mais au milieu des années 1970, la guerre arrive et vient déchirer cette image de carte postale… Ce tryptique qui déroulera l’histoire récente du Liban est un album à la fois intime et documenté.
Je n’étais pas emballée par les illustrations, un peu flashies et manquant un peu de subtilités au niveau des traits des visages, mais au final, l’ambiance est vraiment bien rendue, l’angoisse qui suinte au fur et à mesure du récit est poignante et communicative. Le fait d’expliquer l’histoire d’un pays avec la description d’une rue et de ses habitants plonge le lecteur dans un bain de simplicité et d’empathie immédiate. Cela conduit forcément à l’envie de connaître rapidement la suite de ce récit poignant, il est prévu en 3 volumes. A suivre !
Éditeur : Dargaud – Collection : Hors collection – Genre : Biographie documentaire – Scénario : Nassib Sélim – Dessin : Merhej Léna – Date de parution : 7 février 2025 – 128 pages – Prix : 22,95 €
