On l’appelait Bebeto de Javi Rey
À Sant Pere, dans les années 90, tout semble figé. On rêve de la grouillante et inconnue Barcelone, inatteignable, et pourtant à quinze minutes en train seulement. Les gamins du quartier vivent dehors et égrènent le temps en courant derrière un ballon sur les terrains. Dans quelques années – ils savent qu’ils n’y échapperont pas – , ils viendront grossir les rangs des usines et des entrepôts de la zone industrielle. Ce qui ne les empêche pas de rêver, pour le moment, vibrant lors des matchs des vacances ou devant le Tour de France.
Cette année-là, alors qu’Indurain montre des faiblesses pendant sa course, Carlos, 12 ans, rencontre Bebeto, un adolescent au corps étrange, disproportionné, maladroit. Tout le monde l’appelle comme ça, sans connaître son véritable nom.
Pourquoi semble-t-il être bloqué à une étape de la vie qu’il aurait dû fuir depuis longtemps ? Carlos, comme les autres, n’essaye pas vraiment de le comprendre, trop pressé de quitter le monde de l’enfance pour entrer dans celui des adultes.
Pourtant, cette amitié étrange et fugace pourrait bien être de celles qui changent tout.
Ce sont ses souvenirs de jeunesse qui ont inspiré à Javi Rey l’histoire d »On l’appelait Bebeto », son premier roman graphique en tant qu’auteur complet. Mais ce récit est avant tout une fiction personnelle, singulière et lumineuse.
De belles illustrations pour une histoire simple d’enfant qui grandit, qui apprend la vie, l’amour, l’amitié. C’est le « grand Manuel » qui devient l’ami de Carlos le narrateur, celui que l’on appelait ironiquement Bebeto, en référence à José Roberto Gama de Oliveira, plus connu sous le surnom de Bebeto, un footballeur brésilien né le 16 février 1964 à Salvador, car Manuel n’est pas très doué au départ derrière le ballon du terrain de la cité. Je pense que la sonorité de ce surnom, qui fait penser à quelqu’un d’un peu « bébête » n’est pas une coïncidence.
Cette formidable BD est une chronique sur la perte des illusions de l’enfance mais pas si triste que cela. Il y a un espoir d’arriver à être heureux malgré tout pour cette bande de gosses. C’est lumineux, on est avec ce groupe d’enfants, on vit avec eux, et on les aime tous, même Bebeto qui est un peu simplet. On grandit à leurs côtés, au fil des étés. Il ne manque que la perspective historique dans ce récit, mais c’est normal puisque l’enfant vit toujours au présent.
Auteur en collaboration avec Bertrand Galic et Kris sur la BD Un maillot pour l’Algérie, que j’avais déjà bien apprécié, Javi Rey n’est pas nouveau dans le monde du neuvième art, mais c’est son premier projet seul aux commandes, et sans doute le plus personnel… c’est ce qui le rend si touchant je pense. A suivre donc !
Éditeur : Dargaud – Collection : Hors collection – Genre : Roman graphique – Scénario et dessin : Rey Javi – Date de parution : 23 août 2024 – 144 pages – Prix : 24 €