La French réalisé par Cédric Jimenez

La French réalisé par Cédric Jimenez

1975. French Connection. Pierre Michel est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à cette organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.

La French est une plongée fascinante dans le milieu marseillais des années 70. On entre autant dans les coulisses de la machine policière et judiciaire que dans celles de ce trafic international. Entre négociation, trahison et abandon, personne n’est épargné.

La violence est partout dans les actes, dans les mots et dans les silences. Cependant, c’est une histoire racontée à hauteur d’hommes. Certains font des choses horribles, d’autres des choses exceptionnelles mais ils restent tous des hommes, des pères, des maris, ils ont des failles, des envies, une quête, un idéal plus ou moins nobles. Le film dévoile leur intimité, on découvre alors leur famille, leur monde, leur code, on sort de leur rôle prédéfini, leur fonction passe au second plan…

Les moments de tendresse familiale s’enchaînent avec des moments de violences inouïes qui laissent le spectateur et certains protagonistes sans voix face à l’horreur commise dans ce milieu. Le manichéisme est présent, la frontière entre le bien et le mal est clairement définie mais, à plusieurs moments, elle est floue, tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir, le film entre alors dans une zone grise qui surprend. Le juge Michel est un véritable héros, dévoué, incorruptible, tout, de la mise en scène au montage abonde dans ce sens. Cependant, à certains moments, il peut flirter avec les limites et les dépasser, le film ne le cache pas comme il ne cache pas ses faiblesses, son addiction aux jeux, l’écroulement de son monde face à l’abandon.

Le Juge Michel est un homme d’exception mais un homme comme les autres. Zampa est un voyou mais le réalisateur creuse et s’intéresse à ses relations familiales et à ses liens paternels et fraternels avec ses hommes de main. On le voit d’abord sûr de lui puis douter, dépassé par les événements, dépassé par l’évolution de l’époque, il n’arrive plus à suivre. Zampa est un homme redoutable mais un homme comme les autres. La scène pivot du film concerne leur face à face, une filature stressante, un endroit sublime, deux hommes, deux visions du monde, un affrontement. On comprend les motivations et les peurs de chacun, on comprend qu’ils n’abandonneront pas.

Jean Dujardin est magistral, aucun autre mot ne peut décrire sa prestation, certaines scènes nous le livrent avec toute sa fragilité et d’autres avec toute sa puissance, il prouve encore et encore qu’il est le meilleur acteur en France. Face à lui, Gilles Lellouche est tout aussi exceptionnel, visage émacié, rage contenue qui explose soudain au point de déformer son visage. Il a plusieurs scènes mémorables mais celle où il devient père donnant une leçon de vie à son employé est stupéfiante. De Mélanie Doutey, rare, femme fatale en totale contraste avec Céline Sallette, en passant par Benoît Magimel, Guillaume Gouix et toute cette équipe de « gueule » qui gravite autour, le casting est parfait. La reconstitution des années 70 est sublime, on sent le souci du détail.

Le réalisateur montre que c’est une période clé, la croisée des chemins, le basculement d’une époque, certains s’adaptent d’autres sombrent. C’est pourquoi la tension ne retombe jamais, on suit de façon précise les filatures, les jeux de procédure, les nouvelles règles de ce marché parallèle, la concurrence, les discussions stratégiques parfois dans des endroits improbables, tout participe à l’ambiance particulière du film, le trop-plein est miraculeusement évité et l’ennui n’existe pas malgré un film assez long.

Le final est surprenant, une vraie claque mais il est très vite expédié comme s’il fallait évacuer cette souffrance. L’ambiguïté autour de Zampa laisse un doute, ceux qui triomphent ne sont pas ceux qu’on pourrait croire. La fin laisse un goût amer, on regarde les hommes tomber et les autres en profiter…

Enfin, il faut dire que le film est très beau, certaines images sont à couper le souffle, de vrais tableaux. La mise en scène n’hésite pas à surprendre, la musique est parfaite. On sent l’influence de Scorsese et en même temps on s’attend à découvrir au détour d’une scène les légendes comme Delon, Belmondo, Ventura etc… Un polar réussi !

Genre : Polar – Nationalité : Française – Date de sortie en France : 03 décembre 2014 – Durée : 2h15 – Avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Céline Sallette, Mélanie Doutey, Benoît Magimel et Guillaume Gouix.

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