La bande dessinée au tournant écrit par Thierry Groensteen
La bande dessinée est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Son image sociale s’est considérablement améliorée, sa légitimité culturelle ne fait plus guère débat. Or ces évolutions, qui font d’elle un objet de mieux en mieux identifié et de plus en plus reconnu, se produisent alors que le marché, lui, au sortir d’une période de croissance continue, connaît une véritable crise, impactant tant les marges des éditeurs que les revenus des auteurs.
Dans le cadre des États généraux de la bande dessinée, lancés en janvier 2015, qui se proposent de « faire un bilan et une analyse la plus exhaustive possible de la situation », ce petit livre interroge à chaud les évolutions récentes de la production éditoriale, la féminisation de la profession, l’essor de la non-fiction, la situation de l’édition alternative, la multiplication des formations spécialisées, la percée de la bande dessinée sur le marché de l’art, sa place à l’université et quelques autres questions d’actualité.
Dix ans après la parution de son livre Un objet culturel non identifié, Thierry Groensteen publie aux Impressions Nouvelles, et en co-édition avec la Cité Internationale de la bande Dessinée d’Angoulême où il est chargé de mission, un nouvel essai sur l’état du Neuvième Art. Il y reprend la plupart des questions qu’il avait abordées dans son essai précédent, pour mesurer ce qui a changé en l’espace d’une décennie.
Il constate que la bande dessinée est devenue « un objet de mieux en mieux identifié et de plus en plus reconnu » alors même qu’elle se situe à un moment de son histoire où le marché, après une période de croissance continue, rencontre une vraie crise qui affecte tant les éditeurs que surtout les auteurs. La multiplicité des publications, la féminisation de la profession, l’évolution des genres de publication avec la montée en puissance du manga, tous ces facteurs se combinent et amplifient une crise bien réelle. L’auteur s’interroge aussi sur l’action de l’État en faveur de la Bande Dessinée à l’heure où la Cité Internationale de la B.D. se trouve face à un manque important de moyens.
Enfin il note l’évolution intéressante de la formation dans le monde de la Bande Dessinée. Elle est devenue avec le temps une matière à part entière avec son lot de formations, d’étudiants, et de chercheurs (longtemps après les américains ou les japonais), provoquant une saine émulation dans ce petit monde où il n’y a pas si longtemps les auteurs étaient quasiment tous auto-didactes.
Mais pour que la bande Dessinée, qui est à la fois « ET une littérature ET un art visuel » soit pérenne, il faudra que les auteurs puissent bénéficier des conditions économiques nécessaires au développement de leurs talents.
Ce petit essai est passionnant à lire, et met à la portée du lecteur lambda, avec beaucoup de simplicité, des données complexes. On y comprend mieux comment évolue cet Art, soumis à des conditions de marché de plus en plus difficiles.
Tous les amateurs de bandes dessinées prendront plaisir à lire ces pages où les chiffres sont très présents, mais pas abrutissants. Et gageons que la Bande Dessinée saura négocier ce tournant vital pour toute une profession.
Editeur : les Impressions Nouvelles – Collection : Reflexion faite – Date de parution : 5 janvier 2017 – 128 pages – Prix : 12 €