Trois filles et leur mère écrit par Sophie Carquain

Trois femmes. Nées au tournant du siècle, entre 1873 et 1914, Colette, Simone de Beauvoir et Marguerite Duras ont partagé un point commun : une mère majuscule, qu’elle soit fusionnelle (Sido), autoritaire (Françoise de Beauvoir) ou ambivalente (chez Duras).
Trois destins. En les faisant revivre dans leur époque, l’exotisme de l’Indochine des années vingt chez Duras, la bourgeoisie du début de siècle chez Beauvoir, la Bourgogne pour Colette, Sophie Carquain explore les relations mère-fille, tendres, complices, parfois violentes.
Trois romans. Dans ce superbe triptyque, Sophie Carquain écrit le roman de ces trois femmes reliées entre elles par un subtil jeu de correspondances. Elle raconte comment, progressivement, chacune a pris la plume pour se distancier de sa mère. Et exister.

Ces trois auteures françaises particulièrement célèbres, je ne les connais finalement pas tant que ça. Alors le livre de Sophie Carquain m’a tout de suite interpellée. Et j’avoue avoir été agréablement surprise tant par la qualité de son écriture que par le contenu du roman.
Les trois parties sont totalement distinctes, et chacune est consacrée à une des trois femmes. Pour chacune l’auteure raconte son enfance, sous la coupe d’une mère autoritaire et possessive. Et la façon dont elles vont trouver une échapatoire dans l’écriture.

Marguerite Duras est née en avril 1014 dans la banlieue de Saïgon où son père était directeur d’école. Après deux garçons elle est le troisième enfant de Marie et Henri Donadieu. Sa mère est très heureuse d’avoir une fille, mais son amour est surtout réservé à son aîné, le petit Pierre. Mais, à 37 ans, Marie récupère difficilement de sa grossesse et de son accouchement. Et en Octobre elle part se faire soigner en France, laissant la petite Marguerite, âgée de six mois, aux bons soins d’un boy, certes compétent, mais qui ne pourra jamais remplacer l’amour d’une mère. A son retour, après huit mois d’absence, elle ne pourra jamais reformer les liens avec la petite Marguerite.

Simone de Beauvoir est née en janvier 1908 à Paris, dans un quartier bourgeois. Son père est avocat, sa mère lui préfèrera sa petite soeur Hélène, née deux ans plus tard. C’est une jeune bonne qui s’occupera de Simone pendant toute son enfance. Simone est une petite fille précoce, à trois ans elle lit couramment, mais ses lectures seront toujours supervisées par sa mère. Elle a dix ans quand la famille, qui a subi des revers de fortune à la suite de la guerre, doit emménager dans un autre quartier, et se passer de domestique. Devenir pauvre, c’est une blessure terrible pour la jeune fille. Et bientôt la révolte gronde vis-à-vis de sa mère, qui veut tout contrôler, et lui inculquer des valeurs spirituelles, avec une froideur que Simone ne peut accepter. Le fossé se creuse entre elles sans espoir de retour.

Colette est née en janvier 1873 à St Sauveur, un petit village bourguignon. Prénommée Gabrielle, elle est la fille du Capitaine Colette et de Sidonie Landoy. Sa mère a déjà été mariée, à un homme brutal, ivrogne et bestial, Jules Robineau. C’était un mariage arrangé, et Sido n’a pas eu le choix. Elle subira huit ans de calvaire à ses côtés, malgré la naissance d’une petite Juliette. Son enfant suivant sera le portrait craché du beau percepteur Colette, dont Sido était devenue la maitresse. Son premier mari meurt enfin et la jeune femme peut épouser celui quelle aime. Après un nouveau garçon, Sido a 38 ans quand elle met au monde la petite Gabrielle. La petite Gabri sera étouffée par l’amour de sa mère qui n’accorde pas une once d’intimité ou de calme à sa fille. Et elle prendra le large dès que possible.

Ces trois portraits de femmes, romancés mais s’appuyant sur les faits réels, sont touchants de vérité. A la lecture on comprend comment ces mères possessives, abusives, castratrices, s’occupant trop, ou trop peu de leurs filles, ont pu façonner les jeunes femmes que Marguerite, Simone ou Gabrielle sont devenues. Et comment Duras, Beauvoir ou Colette, se sont métamorphosées, sous la pression de ces enfances hors normes, et grâce à une intelligence précoce, en fabuleuses écrivaines.

Et ce roman donne envie de se plonger, ou replonger, dans les oeuvres de ces trois femmes…

Éditeur : Charleston Poche – Collection : Biographies romancées – Date de parution : 20 février 2018 – 336 pages – Prix : 8,50 €

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