Beautés équivoques à la manufacture Bernardaud (Limoges)

La Manufacture Bernardaud à Limoges propose du 18 juin 2021 au 2 avril 2022 une exposition de créations contemporaines en céramique réunissant 12 artistes autour de la thématique Beautés Equivoques.

Cette exposition est dans le prolongement de la visite guidée de la Manufacture.

La Fondation Bernardaud, créée en 2002, propose chaque année une nouvelle exposition qui met en lumière des artistes contemporains venant de partout dans le monde. La fondation s’est aussi attachée à respecter comme règle que jamais un artiste ne sera présentée deux fois afin de toujours présenté de nouveaux regards et talents. Le défi final est de mettre en lumière les artistes et en valeur le thème choisi.

La thématique de 2021/2022 a été confiée à Stéphanie Le Follic-Hadida qui a réuni une palette d’artistes venant des pays scandinaves, d’Amérique et d’Asie aux approches variées du matériau céramique.
Beautés Equivoques a pour ambition de déstabiliser le visiteur en le confrontant à des œuvres plastiquement belles mais dérangeantes et créant un sentiment de malaise et fascination afin qu’il se questionne sur la place de l’Homme et son rapport à la Nature.

Jérémy Hatch ouvre l’exposition avec une cabane-arbre en biscuit de porcelaine blanche. Il a effectué un travail de trompe l’œil pour rendre le relief de l’écorce de l’arbre et des poutres constituant la cabane. Cette cabane en ruine trône sur un arbre sans feuillage ce qui accentue une impression de lieu désolé.

La visite se poursuit avec les créations de Kim Simonsson qui présente une série de sculptures de figures modelés et sculptés en grés puis après cuisson recouverts d’un flocage vert donnant l’impression qu’ils sont recouverts de mousse. La texture donne presque envie de toucher les œuvres tant l’aspect est étonnant et afin de satisfaire le visiteur l’artiste a créé une petite œuvre que le visiteur peut toucher afin de ressentir la sensation du flocage recouvrant les œuvres. La sensation rappelle la texture d’une pèche. Ces sculptures noyées sous une épaisse couche de mousse semblent être les témoins d’une civilisation disparue.

En face on découvre Beth Katleman dont l’œuvre monumentale recouvre un pan de mur et connecte par le biais de chainettes de multiples saynètes dont les sujets sont des figurines issues de dessin animés, de la littérature. L’ensemble des pièces sont réalisées en porcelaine et joue sur l’accumulation à la limite avec le kitsch des éléments et la succession de ces mini-paysages ou les proportions ne sont jamais respectées créant un sentiment d’incongruité.

Erika Sanada expose sur le mur adjacent une œuvre étonnante. De loin on voit une volée d’oiseaux tournoyant autour d’un chien allongé mais très vite en s’approchant le malaise s’installe alors que l’on se rend compte qu’un nid est installé dans la cage thoracique du chien. L’ensemble conserve des couleurs douces qui rajoutent au sentiment d’attrait que ressent le spectateur alors que les détails et le sujet sont dérangeants. C’est beau et glaçant à la fois.

Linda Swanson expose des cadres abstraits plus apaisants après la violence ressentie juste avant. Les œuvres sont en porcelaine émaillée la plaque de porcelaine servant de cadre reçoit avant cuisson des produits chimiques qui vont faire naitre à la cuisson des couleurs et nuances qui pourraient rappeler des coupes venant d’un microscope. L’artiste essaye de limiter au maximum l’intervention de la main de l’Homme afin de voir ce que la chimie de la nature va créer et figer dans les cadres créés.

En regard Maria Rubinke propose une série de porcelaine blanches sublimes présentant des animaux et au centre une petite fille qui a tout d’un poupon tenant dans ses bras un lièvre. Sauf que très vite l’œil est accroché par le rouge violent qui rehausse les œuvres et on comprend très vite qu’en réalité nous voyons des animaux décharnés et en décomposition, y compris celui tenu par la petite fille. Pour rajouter à l’horreur certaines pièces sont recouvertes d’asticots eux aussi en porcelaine. La sensation de répulsion est immédiate et pourtant il reste une fascination morbide dû à la beauté plastique des œuvres.

Linda Cordell présente des sujets animaliers en porcelaine qui crée un sentiment de répugnance immédiate par le choix des couleurs et détails des animaux. Un jeune faon en train de téter de loin semblant mignon se révèle recouvert de pustule. L’innocence des animaux est mise en contraste avec leur état physique.

Wookjae Maeng expose une série de sculptures. Des mains tendues en offrande surgissant hors du mur présentent aux spectateurs une accumulation d’animaux en porcelaine blanche et aux yeux dorés. Cela établit un lien entre animal et humain et la responsabilité de ce dernier dans la préservation et conservation de la nature dont il a le destin dans ses mains.

Alessandro Gallo présente une série de figures anthropomorphiques en grés biscuité et peintes à l’acrylique. Ainsi une jeune fille à tête de perroquet est fixée sur son smartphone en pause de sa séance de shopping. Ces figures ne sont pas sans rappeler le travail de Guarnido pour sa bande dessinée Blacksad. Dans le travail de Gallo les individus semblent solitaires même quand ils sont en groupes.

Andrew Livingstone propose des créations mettant en scène des figurines en porcelaine crue ou cuite et associées avec des assiettes. Dans un petit aquarium sont enfermés des figurines en porcelaine crue qui semblent se diriger vers une succession d’assiettes figurant des villes d’Europe. La porcelaine crue génère de la condensation alors que les figurines sont en train de se dégrader avec le temps. L’œuvre est une évocation du voyage qu’entament les migrants en container vers une vie meilleure dans des conditions horribles et dont ils ne ressortiront pas tous en vie.

Calvin Ma expose des personnages mi-homme mi-oiseau. Si d’éclatantes couleurs recouvrent les personnages l’œil est aussitôt attiré par le fait que les visages humains sont inexpressifs avec des yeux vides alors que les têtes d’oiseaux les superposant sont plein de vie.

L’exposition s’achève sur des œuvres de Russell Wrankle étranges où des animaux semblent avoir été vidés puis tannés pour n’en laisser que des peaux qui ont presque un aspect de latex dans un effet des plus dérangeant.

Beautés Equivoques est une exposition qui sort le visiteur de sa zone de confort pour l’amener à s’interroger sur la notion de beauté. Les 12 artistes réunis montrent un éventail étonnant de ce que le travail de la céramique permet de faire en termes de création actuellement. Certaines œuvres sont très dérangeantes et d’autres fascinantes. Si une part de morbide plane sur des créations d’autres abordent par l’humour et la légèreté des sujets de société.

Fondation d’Entreprise Bernardaud : 27, avenue Albert Thomas 87000 Limoges – Circuit de visite guidé, incluant l’exposition, du lundi au samedi, uniquement sur réservation – Réserver votre visite par téléphone au +33(0)5 55 10 55 91 ou par email à contact(at)bernardaud.com – Tarif des visites : 6€, gratuit pour les moins de 18 ans et étudiants en école d’art – Plus d’informations sur le site.

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