Layers à labanque, Centre de production et de diffusion en Arts Visuels, à Béthune

Layers à labanque, Centre de production et de diffusion en Arts Visuels, à Béthune

L’exposition Layers présente un ensemble d’archives et d’oeuvres exceptionnelles qui offrent une perspective globale sur l’histoire de l’art nigérian, depuis l’indépendance du pays en 1960 (précédemment sous domination Britannique) jusqu’au début du 20e siècle.

Cette rétrospective est complétée par deux expositions de créations faites pour l’exposition par Mary Evans, Sojourn, et Abraham Oghobasa, Silex, tous deux d’origine nigérianes.

Elle est à découvrir à Labanque à Béthune du 7 décembre 2019 au 28 juin 2020.

Un Lieu Exceptionnel

Labanque est un centre de production et de diffusion en arts visuels. Depuis 2007, Labanque est installée dans l’ancienne Banque de France de Béthune, bâtiment aux espaces insolites et diversifiés. Ces espaces sont laissés à disposition des artistes pour exprimer leur créativité.

La métamorphose de cette ancienne banque en lieu de création contemporaine s’est opérée avec la volonté de conserver des traces de son passé. Ainsi sont toujours présents le bureau du directeur (devenu l’accueil du musée)  les comptoirs de réception en marbre, la salle des coffres (et ces derniers), la salle des coupures et ses structures qui conservaient pièces et billets ainsi que la salle des archives et ses étagères. Les étages sont aussi des lieux d’exposition et l’ancienne appartement haussmannien du directeur de la banque et l’étage pour son personnel domestique.

Les créateurs invités sont invités à utiliser l’ensemble de ces espaces pour s’exprimer ayant dans leurs mains des supports atypiques et des espaces de créations très divers en volume et atmosphère. Dans tous les cas les artistes créent pour l’exposition organisée financés par Labanque et gardent à l’issue la propriété de leurs créations.

Chaque exposition obéit donc à un principe de production inédite.   

Labanque s’intéresse à tous les champs de la création contemporaine : peinture, vidéo, sculpture, installation, photographie, etc. C’est un équipement culturel de la Communauté d’Agglomération de Béthune-Bruay, Artois Lys Romane.

Layers : un hommage à la création contemporaine du Nigeria.

Au rez-de-chaussée, l’exposition Layers s’attarde sur cinq moments clés de l’histoire de l’art moderne et contemporain Nigérian :

-L’exposition de l’Indépendance en 1960,

-Les expositions et les séminaires organisés par le groupe artistique Mbari,

-Le FESTAC­’77 : second festival panafricain qui s’est tenu à Lagos en 1977,

-L’avènement du mouvement artistique Uli,

-Le collectif artistique AKA.

Le visiteur est accueilli par No Men’s Land une création en tissus de DaaPo Reo artiste nigérian basé à New York faite pour l’exposition. Les matières se côtoient par couches successives comme une accumulation d’influences. Elle donne son sens au nom de l’exposition layer signifiant couche ou strate.       

En effet l’ensemble des œuvres et documents exposés ici sont les strates de création artistique ayant traversé le Nigéria et permettant de comprendre le contexte des œuvres présentées ensuite dans les étages. Les supports sont très divers peintures, travail du métal, de la pierre, de la terre cuite, du bois, du tissu, de la laine et sont complétés par de nombreux documents papiers de magasines évoquant les courants artistiques du Nigéria depuis le moment de son indépendance en 1960 à nos jours. L’ensemble est complété par une projection vidéo d’images du Festac 1977 qui fut organisé à Lagos et était un festival qui a rassemblé des représentants de toutes les cultures de tous les pays d’Afrique.

La présentation est classique pour un musée  et certaines œuvres vibrantes alternant poésie et violence dans les éléments représentés avec un goût prononcé pour les couleurs éclatantes.

Sojourn/Séjour de Mary evans

Le premier étage, les anciens appartements du directeur de la banque de France, sont le terrain offert à Mary Evans pour nous faire circuler  d’une pièce à l’autre. Cette artiste basée à Londres travaille beaucoup le découpage du papier et du craft pour habiller l’espace. Ses œuvres peuvent être prises au premier coup d‘œil pour légères il n’en est rien plus on les observe et plus le malaise s’installe.
Ainsi on est accueilli par Wheel of Fortune une création installée dans l’entrée de l’appartement au-dessus d’une cheminée typique d’appartement haussmannien. C’est un découpage en craft en forme de roue qui pourrait s’apparenter à un soleil  sauf qu’en s’approchant on constate que les structures sont des tas de figurines humaines découpées en positif et négatif dans le craft et disposées selon un motif bien précis qui est le plan des bateaux négriers conçus au XVIIIème siècle en France et au Royaume Uni pour rentabiliser et entasser dans les bateaux les esclaves envoyés dans les colonies.
Le ton est donné c’est un thème  très fort qui va être décliné dans toute l’exposition et joue entre des matériaux simples en papier dans les tons blancs, dorés, bleus, un cadre luxueux dans un bâtiment chargé d’histoire lié à l’argent et des motifs durs de l’exploitation humaine dont ont souffert les pays colonisés par l’occident.
L’ancienne salle à manger est frappante là-dessus. Au mur des assiettes avec des portraits de nigérians sont exposés, de vaporeux rideaux en papier blanc découpés encadrent les fenêtres alors qu’au centre trône une grande table avec dessus toujours ce motif de bateau négrier mais cette fois-ci les silhouettes humaines composant le motif sont faites en pain d’épice.
Elles inviteraient presque le visiteur à venir en grignoter une, symbole des vies d’esclaves  qui ont été avalées par l’occident.
Les couloirs son habillés par des silhouettes de femmes nigérianes en craft doré de profil présentées telles des caryatides.
Ces mêmes figures envahissent certaines pièces dans des foules disparates d’hommes, femmes et enfant. D’autres pièces présentent des travaux de découpages sur des napperons très élégants.  
La visite s’achève dans une pièce étroite, un papier couvre l’ensemble des murs, c’est là encore le motif du bateau négrier mais il faut vraiment s’approcher pour le constater. Cela créée immédiatement un sentiment de malaise.

Silex d’Abraham Oghobase

Le deuxième étage est le territoire d’Abraham Oghobase. Cet artiste qui vit à Toronto travaille surtout la photographie et la sculpture.
A travers la succession de créations présentées il évoque les ravages de la surexploitation minière qui a détruit les paysages et les hommes.
Il rehausse ses photos de paysages de motifs géométriques, de diagrammes, et de dessins techniques de machines et bâtiments miniers.
Cette thématique prend une dimension toute particulière dans une exposition située à Béthune dans le Nord de la France longtemps marqué par cette industrie.
Rock Study est l’œuvre la plus marquante qu’il présente. Sur 16 socles en chênes sont présentés 16 pierres. Le visiteur est invité à circuler entre les socles alors qu’en fond sonore on entend des extraits d’un discours de la Reine Elisabeth II fait en 1960. Cette présentation sobre des minéraux du Nigéria titille la tentation à laquelle il faut bien sûr résister de toucher ses pierres dont on sent qu’elles doivent à grains différents chauds ou froids, granuleux ou lisses. Plus loin dans l’exposition une série de photos des mêmes pierres conclue la visite alors que l’on se rend compte que les échos du discours de la reine nous ont accompagné tout le long de la traversée de l’étage , résonnant d’une pièce à l’autre.
Plusieurs œuvres exploitent son travail en photographie. Une grande photo est utilisée en papier peint sur un mur entier d’un superbe paysage naturel plein de couleurs et ce fond est contrasté par l’ajout de photos plus petites noir et blanc des dégâts causés par l’homme.
En regard il propose la vision inverse avec le papier peint noir et blanc d’une photo de site minier qui est contrasté par des photos en couleurs des paysages. On trouve une certaine beauté tragique aux ruines de l’exploitation minière qui ont hélas défiguré les paysages.
Plusieurs autoportraits complètent la visite présentant  l’artiste  dans un posture rappelant les colonisateurs anglais et en utilisant un support rappelant les daguerréotypes du début de la photographie.
Une séries d’autres photos,, Alloiosis,, utilise les négatifs de photos qu’il a découvert dans un marché aux puces lisboète d’aristocrates français.. Il a modifié le visage des portraits en les masquant avec le motif d’une robe d’apparat porté par le Roi du Bénin au moment de son exil en 1897 par les anglais.

 

Cette exposition est une première pour Labanque qui a pour une fois laissé une partie de ses locaux à l’exposition d’œuvres non créées pour celle-ci afin de présenter la rétrospective du rez-de-chaussée. Mais cette mise en contexte est importante pour bien appréhender ce que nous réserve les créations d’Evans et Oghobase.
Si ce dernier dépeint avec poésie la beauté tout en dénonçant les dérives de la surexploitation de notre planète c’est Mary Evans qui m’a le plus touché avec des œuvres m’ayant littéralement pris aux tripes tout de suite et une inventivité folle pour utiliser l’espace que Labanque lui a mis à disposition.

Du 07 décembre 2019 au 28 juin 2020 – Labanque : 44 place Georges Clemenceau 62400 Béthune – 03 21 63 04 70 – Tous les jours de 14h à 18h30 – Fermeture exceptionnelle les 24 et 25 décembre, le 01 janvier et le 01 mai – Tarif normal : 6 € – Réduit : 3 € – Gratuit : -18 ans, tous les premiers dimanches de chaque mois et sous condition.

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