Escapade culturelle à Malte, ou comment ne pas mourir idiot tout en profitant du soleil et de la mer

Escapade culturelle à Malte, ou comment ne pas mourir idiot tout en profitant du soleil et de la mer

Malte semble, pour un œil neuf, se définir par ce qu’il n’y a pas, sauf le soleil et la mer. On n’y trouve aucun cours d’eau, ni fleuve, ni rivière, encore moins de lac, les habitants vivent grâce à des citernes recueillant l’eau de pluie, ou de l’eau de mer désalinisée. Le sol est constitué d’une mince couche de terre sur de la pierre, les arbres ont du mal à y prendre racine, les cultures sont donc de nature rampante, bonjour pommes de terre, oignons, câpres, adieu abricots et cerises ! Peu d’arbre, peu de bois. Les statues des saints qui sont portées lors des processions religieuses sont en papier mâché, et elles sont magnifiques. Comme il ne pleut environ qu’un mois par an, la matière ne risque pas de se déliter.

Malte est un pays catholique, c’est inscrit dans sa constitution, il y a environ une église pour mille habitants, toutes plus belles les une que les autres. Pendant l’été, les festas sont nombreuses, et les rues décorées de façon rutilante pour l’occasion, c’est unique à voir. Elles sont la plupart du temps accompagnées de fanfares, qui sont en fait les institutions musicales les plus vivaces de l’île, et l’occasion d’illuminations et de feux d’artifices. On pourrait continuer longtemps sur le thème du manque : peu d’élevage, la cuisine la plus courante est à base de lapin ou de poisson tout frais péché ; pas de ressources naturelles, le gaz n’existe qu’en bouteilles individuelles, mais le pays est si près de la Libye, dont on peut apercevoir les côtes sur le point culminant (environ 250m, eh oui, pas de montagnes non plus !) que des recherches ont été entreprises pour trouver du pétrole dans les eaux territoriales. Peu de surface : l’île de Malte mesure 27 kilomètres sur 15, et donc, pas de rails : trains, métros ou tramways travailleraient à perte ! Ah oui, pas d’eau signifie aussi, dans ce petit paradis, pas de moustiques !

Les plages sont petites, rien à voir avec les endroits pour amateurs de bronzette, type Seychelles. Le côté sud de l’île principale, Malte, est bordé de falaises, qui se relèvent graduellement avec la dérive des continents, et le rapprochement imperceptible de l’Afrique et de l’Europe. Du côté nord, les plages sont plus rocheuses que sablonneuses. Mais la véritable richesse de l’archipel, sa beauté intrinsèque, c’est la mer. Le plus grand choc esthétique, lors de l’arrivée dans la ville de La Valette, provient de la vue du port naturel, à partir des Upper Barrakka Gardens. L’eau est d’un bleu profond, et d’une transparence infinie. Les côtes sont ceintes de bâtiments historiques, riches de l’histoire de l’Ordre des Chevaliers de Saint-Jean. Au sud, une merveilleuse promenade en bateau amène aux criques de Wied iz-Żurrieq, dites les grottes bleues, tant les reflets du soleil sur un fond de sable blanc donnent une couleur turquoise à la mer, dont on peut voir le fond sans difficulté. C’est ici le paradis des plongeurs. On recommande également le port de Marsaxlokk, où on peut encore admirer les barques de pêche typiques (luzzu) peintes de couleurs éclatantes où dominent le jaune et le bleu, avec sur la poupe le dessin d’un œil, celui d’Osiris, pour porter chance. Il faut se dépêcher, les jeunes commencent à préférer les barques en fibre de verre, plus faciles d’entretien, mais tellement moins jolies ! On se console en mangeant la pêche du jour, poisson ou calamar à la plancha, absolument exquis.

Dans le même ordre d’idées, des anciens entrepôts datant du temps des chevaliers, qui donnent sur le port de La Valette, ont été aménagés en lieux de flânerie et de dégustation de poissons frais (Valletta Waterfront). Ne pas hésiter après le repas à emprunter une embarcation typique, dorénavant réservée aux touristes, minuscule coque de noix qui vous fera faire le tour du port. Pas plus de trois personnes, ligne au ras de l’eau, fou-rire (nerveux ?) et vagues de front garanties ! On avait fait miroiter, en début d’article, l’espoir de se cultiver. C’est tout l’attrait de Malte, partager un ciel sans nuages et la possibilité de bronzer en un temps record, avec un lieu chargé d’histoire, qui possède plus de monuments au km² que n’importe quel autre pays ! Les premiers habitants sont arrivés de Sicile en 5000 avant JC. Ils ont laissé entre 3600 et 2500, à Hagar Qim en particulier, des temples mégalithiques, considérés jusqu’à il y a peu comme les plus anciens monuments du monde, et remarquablement bien conservés. Un peu plus loin, à Paola, l’Hypogeum, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, n’accepte qu’une centaine de visiteurs par jour, par groupes de dix, et donne vraiment le grand frisson. Il s’agit d’un immense cimetière et lieu de culte souterrain, creusé avec des outils rudimentaires, où l’on peut voir encore sur les murs les peintures d’origine, dans une pénombre glaçante, surtout quand on réalise que les ossements qui y étaient stockés s’empilaient sur plusieurs mètres de haut. Cette civilisation a disparu sans explication claire, épidémie, exode massif, ou pour les amateurs du genre, enlèvement par des extra-terrestres… La position de Malte au centre de la Méditerranée a ensuite donnée lieu, comme en Sicile, qui se trouve à moins de 100 kilomètres, à des invasions innombrables : phéniciens, grecs, carthaginois, romains, byzantins, souabes, normands, pirates ottomans, se sont succédés sur ce petit bout de terre, et y ont chacun laissé leur marque, en conservant à chaque fois le meilleur. C’est ainsi que la langue est sémitique, très proche de l’arabe, mais écrite en alphabet latin. L’anglais, deuxième langue nationale depuis la colonisation britannique de 1800, est couramment parlé par l’ensemble de la population. L’ancienne capitale de Malte, Mdina (louchez vers le mot médina) est une ville médiévale entourée de remparts, aux ruelles tortueuses, dans laquelle on trouve une maison datée du XIème siècle. Tout change au 16e siècle, avec l’arrivée des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à qui Charles Quint a offert l’archipel en 1530, qui construisirent les trois cités fortifiées de Cospicua, Senglea et Vittoriosa. Celles-ci sont de la taille d’un quartier parisien, et se visitent en une demi-journée, mais il faut s’arrêter à chaque coin de rue : églises, demeure de l’Inquisiteur, auberges, c’est à dire les maisons des chevaliers, regroupés par nation (auberge d’Auvergne, de Provence, d’Italie, de Castille, d’Aragon…) sont toutes chargées d’une histoire lourde et complexe, tout comme les forts (Saint-Ange, Saint-Elme, Saint-Michel…) qui défendaient le port des invasions barbares. C’est le paradis de l’architecture baroque. C’est en 1566 que la capitale actuelle, La Valette (ou Valletta, avec un l de plus) fût fondée, du nom de Jean Parisot de La Valette, grand maître de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

La plus petite capitale de l’Union Européenne, inscrite toute entière sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, regorge de richesses architecturales, en particuliers des palais des maîtres, tous occupés de nos jours par les différents ministères et institutions, mais pour certains encore visitables. Pour ceux dont le temps est compté, priorité à la visite de la co-cathédrale Saint-Jean. Chef-d’œuvre de l’art baroque, dans une profusion de couleurs et de dorures, on admire sous ses pieds les tombeaux des grands maîtres de l’ordre, en mosaïque de marbre, qui donnent un ton macabre par l’abondance du thème de la mort, cranes et squelettes omniprésents. Et bien entendu, à ne manquer sous aucun prétexte, les deux tableaux du Caravage, dont l’exceptionnelle « décollation de Saint Jean-Baptiste ». La Valette est en train de se faire belle, pour son statut de Capitale Culturelle Européenne en 2018. Elle l’est déjà beaucoup. Mais le nombre de chantiers en cours présagent d’un lifting bien salutaire pour la conservation de ses monuments ! Très curieusement, aucune publicité n’est faite de l’artisanat local. On apprend donc sur place qu’on trouve des dentelles faites main à Gozzo, et que Malte se distingue dans le travail de l’argent en filigrane. Il vaut mieux éviter les grands magasins : une ruelle qui mène de la co-cathédrale à la place principale est peuplée de petits bijoutiers, qui vendent des merveilles pour pas très cher, avec le poinçon prouvant la qualité du métal. Pour les enragés de shopping, on trouve en cherchant bien des boutiques sérieuses retraçant l’histoire des chevaliers : costumes, figurines, armures… un lieu de rêve pour les amateurs de jeux de rôle ! La vie musicale, pour un endroit si petit, est assez animée. Hors les fanfares déjà citées, Gozzo possède un opéra, et Malte le théâtre Manoel, seul théâtre baroque encore en activité, où des représentations sont données presque chaque soir d’octobre à mai. Il existe un orchestre symphonique permanent, le festival de jazz est mondialement renommé, et en janvier un festival de musique baroque occupe les hauts lieux de l’île. Renzo Piano, l’architecte du centre Pompidou, a récemment érigé sur les ruines de l’Opéra de Malte, quasi-détruit pendant les bombardements de la deuxième guerre mondiale, le nouveau siège du parlement, plus une salle de concert. Reconnaissons que ce n’est pas vraiment une réussite. Le parlement, surnommé « la râpe à fromage » par les locaux, à cause de ses fenêtres obliques qui laissent passer la lumière, mais pas la chaleur, est d’ores et déjà trop petit, avant même son occupation par le gouvernement nouvellement élu. Le Teatru Rjali choque par ses montants métalliques à ciel ouvert et ses sièges baquets en plastique vert, synonyme dans notre esthétique d’une structure provisoire. De plus il n’est pas certain qu’en plein centre ville, avec la circulation automobile et les passants, on puisse assister sereinement à une représentation théâtrale ou musicale. Ciel et mer d’un bleu unique, des centaines de monuments à visiter, et de la musique… que demander de plus ?

Un grand remerciement l’Office du tourisme de Malte (sur Facebook, Visit Malta ou Agence MCA) et surtout à Yvette, la plus cultivée, la plus chaleureuse, la plus patiente des guides interprètes !

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