The Black Holes de Borja Gonzalez
De nos jours, Gloria, Laura et Cristina, trois adolescentes, forment un groupe de punk appelé « The Black Holes ». Attitude, présence, instinct et musicalité, rien ne leur manque ! Mais à peine ont-elles commencé à répéter qu’une étrange présence surgit dans leur présent : une réminiscence aussi puissante que mystérieuse de quelque chose qui s’est passé il y a 160 ans et qui poursuit l’une d’entre elle. Et ce qu’elles ne savent peut-être pas, c’est que le temps est une autoroute à double sens…
En voilà une bande-dessinée des plus difficile à critiquer tant mon avis ne cesse de changer à mesure que j’évalue les « plus » et les « moins ». Commençons par le gros point fort de la BD à savoir sa patte artistique qui nous captive dès que l’on pose les yeux sur sa couverture et la découverte de sa première case en pleine page. Ce style graphique si différent, plus proche de l’animation et de l’illustration que de l’art séquentiel, invite le lecteur à prendre part à ce voyage si étrange mais oh combien fascinant. L’abondance de pleine page et la dimension XXL des cases sont autant d’invitations au lecteur à ralentir sa lecture et à laisser son esprit vagabonder dans cet univers si onirique duquel sa propre imagination soutient le développement. Dans un langage plus familier, c’est ce que l’on appelle une claque graphique.
Le trait en lui-même, plein de douceur et de grâce, est saisissant mais il est aussi sublimement mis en valeur par la colorisation qui est certes composée d’une palette assez restreinte, on y retrouve principalement du bleu-vert-orange déposés en aplats, mais qui se décompose en multiples nuances et contrastes. Ce graphisme léché instaure des ambiances envoûtantes et poétiques pleines de mélancolie.
Bien que les décors soient assez détaillés, les personnages ont un style très épuré puisqu’ils ne disposent pas précisément de visage (pas d’yeux, ni de bouches ou de nez). Cela ne veut toutefois pas dire qu’ils sont dépossédés d’expressions puisqu’au contraire le contexte, leurs paroles ou l’atmosphère nous les délivrent de manière plus subtile.
Et c’est cette subtilité qui rend la critique d’une bande-dessinée comme The Black Holes plus compliquée. En effet, certains peuvent avoir du mal à s’immerger dans l’univers et à s’intéresser aux personnages alors que ceux-ci sont difficiles à identifier et à différencier. D’autant plus que l’auteur raconte une histoire sur plusieurs temporalités qui alternent sans cesse, de quoi perdre le lecteur, ou tout du moins le déstabiliser ou le désorienter, s’il ne fait pas quantité d’efforts pour suivre le fil décousu avec attention.
De plus, les dialogues sont écrits avec une plume assez ingénue et candide dont l’humour, froid et pince-sans-rire, peut parfois décontenancer.
The Black Holes demande donc une certaine ouverture d’esprit et offre une expérience de lecture un peu étrange et abstraite mais profondément intéressante. Ça passe ou ça casse. Je pense qu’il faut le lire pour ce qu’il est et ce qu’il propose et non ce que l’on voudrait ou aurait voulu qu’il soit. Ainsi, on se laissera aller dans cette balade poétique dont le célèbre scénariste Juan Díaz Canales (Blacksad) vante les nombreuses qualités dans la préface de la BD.
Editeur : Dargaud – Scénario et Dessin : Borja Gonzalez – Date de parution : 25 janvier 2019 – 128 pages – Prix : 18 €