Ô Verlaine ! de Philippe Thirault, d’après Jean Teulé, et de Olivier Deloye
» De cette vieille carcasse repoussante sortent des poèmes magnifiques ! «
Les derniers mois de la vie de Verlaine… Alcoolique phénoménal, amant frénétique, bigame maltraité, le poète génial oscille depuis toujours entre l’ignoble et le sublime. À 51 ans, son existence cataclysmique laisse de nombreuses traces : un nombre invraisemblable de maladies (syphilis, diabète, souffle au cœur, cirrhose du foie, pneumonie…), des admirateurs qui ne sont plus qu’une poignée et des contemporains qui l’accablent de leur mépris… C’est alors, qu’en quelques semaines, la jeunesse du Quartier latin en fait son idole. Ils admirent sa poésie, la force de ses anathèmes, le désordre de sa vie, se battent pour l’écouter dans les cabarets et se ruent à son chevet. Ainsi, encore une fois, le destin du poète le conduira de l’infamie au grandiose.
Jean Teulé est connu pour ses écrits sulfureux et scandaleux. Verlaine l’était aussi ! Cette biographie, qui n’a rien d’agiographique, est sans concessions sur le scabreux et le désastreux de la fin de la vie de ce poète maudit. Pas d’éloges sur cette vie de débauches, les faits rien que les faits. Le personnage du jeune Henri-Albert Cornuty qui nous fait découvrir Verlaine est parfait dans son mélange d’ingénuité et d’admiration, car grâce à lui, nous découvrons que le poète est avant tout ivrogne et méchant avec tout son entourage. Enfin, indigeant et bigame, le portrait ne peut être flateur, à la hauteur de la déception du jeune courtisan. La reconstitution de l’époque et des moeurs semble honnête, les couleurs un peu délavées correspondent bien à l’ambiance. Et lorsque l’on voit l’illustration de sa sortie d’hopital avec un beau costume donné par les infirmières, on revoit la photo qui fait partie de notre patrimoine français, où Paul Verlaine a sa grande barbe et son écharpe mal accrochée. De l’authenticité donc, plus que de la fantaisie, même si cette BD n’a pas réellement de « cases » mais un contour flou du dessin seul. Cela donne un espace de liberté appréciable, et bien en phase avec l’histoire. J’ai passé un très bon moment à apprendre que ce Paul Verlaine n’était vraiment pas recommandable, puis à ressentir un immense respect communicatif de la part des auteurs pour l’homme qu’il a été.
Éditeur : Steinkis – Collection : Roman graphique – Genre : Biographie – Scénario : Philippe Thirault d’après le roman de Jean Teulé – Dessin : Olivier Deloye – Date de parution : 15 avril 2021 – 110 pages – Prix : 18 €.