Saison photo 2023 à l’Abbaye Royale de l’Epau, près du Mans

Saison photo 2023 à l’Abbaye Royale de l’Epau, près du Mans

Du 21 juin au 6 novembre 2023 l’Abbaye Royale de l’Epau propose un parcours photographique en plein air réunissant 6 photographes.

Ce voyage se poursuit au sein de la ville du Mans à l’Hôtel du Département, sur les grilles du parc de la Préfecture et à la gare, ainsi que sur certaines écluses du département de la Sarthe.

Comme chaque année un espace a été offert à une sélection de 6 classes de collégiens afin de créer des installations autour d’un thème choisi.
Durant toute l’année, avec leur enseignant et un ou une photographe professionnelle. Plus encore que les années précédentes la photographie a été abordée de manière hybride dans des installations associant photographie, mise en scène et construction d’un espace lié aux photos réalisées.
Ainsi une classe sur la réflexion du photomaton et autoportrait ont créé des photomatons en bois ou le visiteur va se glisser pour découvrir les portraits des élèves et une autre partant d’une cabane telle une maison a déconstruit l’extérieur y intégrant des branches et la nature partant sur une hybridation entre photographie et land art.

C’est enthousiasmant de voir toutes ses créations des collégiens qui se sont investis dans ce projet.

En complément et pour la première fois les élèves de première d’une section photographie en bac Pro du département ont présenté leur travail mettant en scène leurs professeurs dans une relecture décalée de l’histoire de la Reine Bérengère de Navarre et Richard cœur de Lion.

Les installations créées en 2021 sont toujours présentes dans le parc, le Sténopé (jusqu’au 25 juillet 2023) et Rhombus Berangaria.

Imilla et Flying Cholitas par Luisa Dôrr

Luisa Dörr est une photographe brésilienne qui présente deux séries mettant à l’honneur les femmes boliviennes.

                Imilla est installé dans l’allée principale présente une collection de portraits de femmes pratiquant le skateboard et portant les polleras, des jupes bouffantes traditionnelles, et de larges chapeaux.  La démarche derrière consiste à se réapproprier une tenue traditionnelle imposée par les conquérants espagnols aux amérindiennes et gardant ce passé sombre reflet d’une stigmatisation. Choisir de faire de cette tenue qu’elles ne portent que quand elles font du skate amène un message fort à leur démarche. Elle se réapproprient les codes qu’on leur a imposés devenant un moyen de revendication de leur identité et en même temps elles l’associent à la pratique d’un sport, le skateboard, dominé par les pratiquants masculins.

On sent en effet de la fierté dans le regard de ses femmes même si c’est le conteste des photos qui fait prendre conscience de la force du message.

                Flying Cholitas installé juste à côté dans une allée du parc bordant un canal met en lumière une autre communauté de femmes qui utilisent aussi leurs tenues traditionnelles et pratiquent le catch. Venant de El Alto une ville à proximité de La Paz, la ville s’est vidée de quasi toute sa population masculine partie travailler à la capitale. Les femmes ont donc modelé la vie de leur ville et utilisent du coup le catch comme une manière de devenir les héroïnes sur le ring qui veillent sur leur ville. Par un autre moyen une fois de plus les femmes transforment les symboles vestimentaires de l’oppression et la discrimination qu’elles ont subi pour en devenir un élément théâtral pour se poser en protectrice de leur population.

Luisa Dörr met a profit son travail de photojournaliste pour nous raconter l’investissement et ls combats d’émancipation des femmes sud-américaines issues des peuple précolombiens. Elles revendiquent leur force et la valeur de la culture brandissant et faisant leurs ce qui a été le symbole de leur ostracisation née à l’arrivée des conquistadors espagnols.

Ambiance Sauvage par Etienne et Jean-Marie Ville.

Installé le long du mur du cloître les deux artistes, frères, exposent une série de clichés d’animaux.
L’approche a été de traiter ces photos comme des portraits des animaux et a demandé beaucoup de patience jusqu’à avoir le cliché parfait pris en pleine nature.
Le fond noir contribue au côté portrait.

                L’effet est fascinant sur certaines photos qui semble impossible en prendre en pleine nature tant on est proche de l’animal. Les photos ont un petit quelque chose d’incongru dans leur approche qui apporte une touche d’humour.

New York – Tokyo – Chicago par Jean François Mollière

Installée dans le scriptorium l’exposition nous plonge dans des vues de ville ultra morne et urbanisée totalement en contrastes avec les vieilles pierres apparentes et la taille de la salle. La visite s’est effectuée avec un violoncelliste jouant une improvisation contribuant à la mise en scène.
François Mollières explique en effet qu’il aborde la photo comme la recherche de l’accident du moment capté non prévu tout en soignant la mise en scène.
Contribuant à cette idée le centre de la salle est occupé par une série de cadres carrés suspendus à différentes auteurs entre lesquels le visiteur peut circuler entre les cadres qui sont des séries de photos prises au travers de vitre métro d’usagers dans leurs pensées ou de photos de citadins pensifs.

                Le travail de la lumière est saisissant et associé à la musique l’aspect cinématographique du travail de Mollières en est rehaussé. Les ambiances des photos alternent couleurs chaudes et froides tout en contraste et en gardant l’unité de thème.

Noria par Nicolas T. Camoisson.

Dans la salle capitulaire de l’abbaye est installée une maquette d’une noria, une roue permettant de puiser l’eau à l’aide de godets, point focal de l’installation de Nicolas T. Camoisson. Autour l’exposition présente en alternance des photos en noir et blanc et des dessins d’ingénierie lié à l’histoire de ces roues venant de la vallée de l’Oronte en Syrie.

Afin de pouvoir irriguer les champs ont été construites des norias qui sont une technique développée il y a deux mille ans et dont les agriculteurs locaux continuent à transmettre, oralement, le savoir-faire. Ces roues, pouvant atteindre 21 ms de haut, utilisent la force du courant du fleuve pour fonctionner et transporter l’eau là où ils en ont besoin.

                Le noir et blanc des photos est sublime et c’est en s’approchant et les observant que l’on se rend compte que certaines ont des hommes juchés sur les roues donnant une idée de la taille gigantesque de celles-ci. Le travail de dessins d’ingénierie est une sauvegarde du savoir-faire des habitants de cette vallée qui risque de disparaître à cause de la situation politique du pays. 

Misr par Denis Dailleux.

L’installation de Denis Dailleux suit le chemin traversant le verger de l’abbaye. Les photos exposées évoquent l’Egypte (Misr en arabe) dont le photographe a découvert la richesse au début des années 90 lors d’un voyage qui lui a permis de découvrir l’Egypte loin des sites touristiques.
Les photos dressent une vision du Caire atypique alternant des portraits et des scènes de vie. Les sujets posent semblant perdus dans leur pensée ou fixant avec intensité l’objectif. Les scènes de vie sont intimistes avec des couleurs chaudes. Parlant de son travail Denis Dailleux a dit « J’aime les lieux incarnés » et cela se sent dans son œuvre.

Egypt, Cairo, 2002 Mouled of Tanta Egypte, Le Caire, 2002 Mouled de Tanta © Denis Dailleux / Agence VU

                La promenade s’achève sur des vues d’une fête foraine de nuit dont les couleurs sont sublimes. Ces photos qui présentent un Caire urbanisé avec majoritairement des vues d’intérieur ou de nuit contraste élégamment avec les herbes folles laissées hautes du verger. C’est mon coup de cœur de cette édition 2023.

Endless pursuit : L’odyssée d’une recherche sans fin par Valentin Figuier.

L’ultime installation a été posée dans les anciennes douves de l’abbaye sur des structures flottantes qui font des douves un miroir d’eau pour les photos exposées. C’est une idée ingénieuse d’autant que le thème est l’océan et de la culture des surfeurs en quête perpétuelle la vague parfaite. Les photos alternent vues de l’océan et portraits de ses aficionados. Les photos mettent à l’honneur l’océan atlantique avec un pont entre la Bretagne et le sud-ouest de la France.

                La mise en scène des photos est très réussie au delà d’avoir utilisé les douves le bord d’eau sert aussi de mise en scène pour des photos supplémentaires mélangeant les méthodes d’exposition. C’est ludique et un peu chaotique mais cela sert bien le thème.

La saison 2023 est une fois de plus une palette riche sur la photographie dans un cadre calme, serein et invitant à la contemplation. La promenade le long des douves est le nouvel espace d’exposition qui a été créé pour cette édition et c’est une réussite. De plus les sentiers ont été réaménagé pour faciliter la visite.
Le cru 2023 mélange avec goût les thèmes forts de société, les témoignages de vie et l’émotion.

Plus d’informations et réservations sur le site de l’abbaye.

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